Fermeture des magasins Christine Laure : quel avenir pour la marque ?

En mars 2024, Christine Laure a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Dijon. L’enseigne, qui compte près de 150 points de vente à travers la France, fait face à une chute de fréquentation et à une baisse prolongée de son chiffre d’affaires.

La direction évoque la transformation des habitudes de consommation et la pression croissante du commerce en ligne comme facteurs déterminants. Plus de 350 emplois sont désormais directement menacés, alors que la marque cherche un repreneur ou des solutions pour maintenir tout ou partie de son activité.

Christine Laure face à la crise : état des lieux d’une marque en difficulté

Christine Laure. Trois syllabes qui résonnent dans l’histoire du prêt-à-porter français, et qui aujourd’hui s’accrochent à un fil. Depuis 1961, la famille Lasselin veille sur un réseau qui a longtemps compté dans le paysage de la mode, avec un siège à Dijon, une logistique assurée à Gray, et jusqu’à 145 magasins il n’y a pas si longtemps. Mais l’époque a changé : 127 boutiques subsistent, les effectifs fondent, 284 salariés recensés, là où ils étaient 380 l’an dernier.

Le public de la marque ? Des clientes fidèles, souvent de longue date, mais qui vieillissent, alors que la cible va des femmes de 45 à 70 ans. Christine Laure a bâti sa réputation sur le conseil en boutique, l’inclusivité des tailles (du 36 au 52), et une proximité difficile à préserver à l’heure de la digitalisation. Les collections sont conçues en interne, sous la houlette de Jean-Marc Lasselin, PDG et héritier de la marque, épaulé par la modéliste Stéphanie Domon. Pour irriguer toute la France, et surtout la Bourgogne-Franche-Comté, la marque s’appuie aussi sur un réseau de 51 affiliés et près de 200 multimarques partenaires, véritables relais locaux.

Côté finances, le chiffre d’affaires s’est établi à 61 millions d’euros en 2023. Mais la tendance n’est pas à l’euphorie. Les efforts pour moderniser la gamme et développer l’affiliation peinent à compenser la baisse du trafic en magasin, la montée des coûts logistiques ou encore le retard pris sur le numérique. L’entreprise familiale, ancrée dans la région, se retrouve confrontée à une mutation du secteur qui ne laisse que peu de répit.

Comment en est-on arrivé au redressement judiciaire ? Origines et facteurs clés

Ce passage sous la tutelle du tribunal de commerce de Dijon, prononcé en août 2024, n’a surpris que ceux qui ne suivaient pas le secteur. Christine Laure traîne les traces d’une érosion progressive, fruit de plusieurs années de bouleversements. Les causes de sa situation actuelle sont multiples et s’imbriquent les unes aux autres.

La crise sanitaire a d’abord mis à mal le modèle économique de l’enseigne : fermetures imposées, interruption des flux de clients, stocks immobilisés. Pendant ce temps, la clientèle a adopté les habitudes d’achat en ligne, séduite par l’immédiateté et l’abondance de choix. Dans la foulée, la fast fashion a imposé sa cadence effrénée, ses prix imbattables, et mis les acteurs traditionnels sous tension.

Voici les principaux points qui ont précipité la marque dans la tourmente :

  • Un retard réel sur la digitalisation : le site marchand a vu le jour tard, s’est révélé peu ergonomique, et n’a jamais vraiment pu concurrencer les mastodontes du web.
  • La fréquentation des boutiques a décliné, accentuée par la désertification de certains centres-villes et l’évolution des comportements d’achat.
  • L’inflation et la hausse des coûts logistiques ont réduit les marges, rendant chaque euro plus difficile à gagner.
  • Des difficultés internes, entre stratégie jugée trop conservatrice et organisation coûteuse, ont freiné la modernisation de l’image de marque.

Face à ces défis, Christine Laure a tenté de réagir avec le plan Horizon 2026 : renouvellement des collections, accent mis sur l’affiliation et développement du e-commerce. Mais la spirale des fermetures, la réduction du réseau et les vagues de licenciements illustrent un modèle à bout de souffle, confronté à l’urgence de se réinventer.

Quels magasins concernés et quelles conséquences pour les salariés et la clientèle ?

Des boutiques Christine Laure ferment leurs portes partout sur le territoire. Royan, Soissons, Angers, Saintes, la liste s’allonge discrètement au fil des semaines, alors que le siège prend ses décisions. Sur les 127 points de vente restants, une part significative s’apprête à baisser le rideau. À chaque fermeture, c’est un peu du tissu local qui se délite, notamment dans les villes moyennes où la marque avait su s’ancrer.

Côté salariés, la situation reste tendue pour les 284 personnes encore à l’effectif. Le plan social a déjà frappé fort : plus de 500 départs ces dernières années. Christine Laure propose un accompagnement à la reconversion, parfois via des dispositifs de formation ou de reclassement, mais la transition est souvent brutale. Les équipes, attachées à la marque et à leurs clientes, voient leur savoir-faire mis entre parenthèses. Les affiliés et les multimarques, eux, surveillent la situation de près, la logistique et la distribution sont directement affectées.

Pour la clientèle, la fermeture des magasins transforme radicalement l’expérience d’achat. Rester fidèle à la marque, oui, mais il faut désormais composer avec l’achat en ligne, le contact humain en moins. Le site e-commerce prend le relais, promettant de maintenir la même gamme de tailles et d’écoute, mais le défi consiste à rassurer une clientèle habituée au conseil en boutique. La confiance, tissée au fil des années, se retrouve à l’épreuve du numérique. Certaines clientes, attachées au lien direct, devront s’habituer à de nouveaux usages. La marque, elle, s’efforce de ne pas rompre ce fil fragile.

Employé rangeant des vêtements dans un magasin de mode

Quelles perspectives pour l’enseigne : scénarios possibles et stratégies de rebond

Christine Laure s’accroche à ses racines bourguignonnes, mais regarde aussi vers ce qui pourrait la sauver. Plusieurs pistes sont envisagées, et la marque ne manque pas d’ambition malgré les incertitudes. Le plan Horizon 2026 sert de cadre à cette nouvelle étape, misant sur une modernisation de l’offre, une digitalisation accélérée et l’exploration de nouveaux canaux de distribution.

Voici les axes stratégiques actuellement privilégiés :

  • Renforcer le réseau d’affiliés et de revendeurs multimarques afin de miser sur la proximité, tout en réduisant la part des magasins en propre.
  • Faire du site e-commerce un véritable pilier, avec des fonctionnalités améliorées et des collaborations en vue avec des plateformes comme La Redoute, Zalando ou Amazon pour élargir la diffusion des collections.
  • Lancer des collections capsules, imaginer des collaborations et organiser des événements afin de redynamiser l’image de la marque et de créer de nouveaux rendez-vous avec la clientèle.

L’engagement écologique s’invite aussi dans la stratégie : matières écoresponsables, programme de recyclage des vêtements, ateliers de sensibilisation. La marque vise un retour à la rentabilité dès 2025, tout en cherchant investisseurs ou repreneur pour sécuriser sa relance. L’international, vers les États-Unis, le Japon ou les Émirats arabes unis, reste une carte à jouer, mais la priorité immédiate est claire : reconquérir les clientes françaises, là où tout a commencé. Pour Christine Laure, l’avenir n’est pas écrit d’avance, mais la page suivante reste à inventer.